Eva était rentrée de son travail, tard comme d'habitude. Elle travaillait le soir, et restait jusqu'à ce que tout soit bien propre. C'était son boulot : laver la vaisselle dans un restaurant. C'était loin d'être passionnant et d'aider Eva à progresser. Mais elle n'avait pas le temps de se trouver un autre travail. Celui-ci était bien pour payer son loyer et, au vivre au mieux. Elle mettait quelques sous de côté, les gardant pour un futur meilleur. Mais pour l'instant, le présent était infernal.
3 étages à monter, à pied. Pas d'ascenseur pour rendre la fin de journée moins désagréable qu'elle ne l'est. Quelques pas pour arriver devant la porte. Il se faisait tard, il n'y avait pas de lumières dans le couloir. Eva cherchait le trou de la serrure avec ses clefs. Un cliquetis se fit entendre, la porte s'ouvrit. La jeune femme posa ses doigts sur l'interrupteur et le fit basculer. Enfin, la lumière. Du pied, elle referma la porte. Le claquement sec ne la faisait plus frissonner. Elle s'était habituée à cette solitude... du moins en apparence. Intérieurement, elle essayait de prendre contact avec du monde. Impossible. Son travail était pénible, et si elle voulait avoir une vie décente, elle avait besoin de travailler matin midi et soir. Lorsqu'elle ne travaillait pas, elle dormait.
Avant de se laisser entraîner par le sommeil, Eva se dirigea vers la cuisine. Elle n'avait pas mangé. Elle s'était dépéchée d'aller travailler sans rien avoir avalé, puis avait passé la soirée à éponger et essuyer la vaisselle sale. Elle n'eut pas le temps de dîner. Elle prit une boite de conserve, au hasard, et avala le contenu de la boite, réchauffé sur le gaz. Elle pouvait avaler n'importe quoi. La fatigue était telle qu'elle n'avait envie de rien.
Elle se dirigea dans la salle de bains, pour prendre une douche. Elle avait besoin, à cette heure si tardive, d'un moment de douceur. La sensation du savon, glissant sur la peau... l'eau enveloppant le corps d'une chaleur rassurante... si seulement tout cela pouvait durer. Eva attrapa une serviette et se dirigea devant l'évier. Elle fit une rapide toilette, avant de sortir de la salle de bains. Des bruits sourds retentissaient. Eva n'en tint pas rigueur. Elle tira le lit du canapé, et se mit à genoux dessus. Elle attrapa sa petite nuisette blanche de nuit dans l'armoire d'à-côté. Ainsi vêtue, elle se laissa tomber sur le lit et fermit les yeux aussitôt.
Mais impossible de dormir.
Les bruits sourds se répétaient, et même si la fatigue d'Eva était grande, cette nuisance sonore l'empêchait de se reposer. Elle n'avait aucune envie de se lever. Elle se dit, en premier lieu, que ça passerait, ou que quelqu'un d'autre irait arrêter ce fouteur de troubles. Mais rien ne changea. Personne ne se souciait de ce bruit. A vrai dire, l'immeuble était plutôt vide. Beaucoup de personnes étaient parties en vacances, et certaines personnes ne rentraient pas tous les soirs pour dormir. C'était le cas du seul locataire encore présent à l'étage d'Eva. Celle-ci, ne pouvant plus supporter le bruit infernal provoqué par le trouble-sommeil, décida de se lever. Elle ouvrit la porte, sans même penser à prendre une tenue plus chaude - après tout, c'était le printemps et il ne faisait pas si froid cette nuit-là. Elle descendit à l'étage du dessous, et trouva sans difficultés d'où venait ce bruit. Eva toqua doucement à la porte, mais, au bout de quelques instants, elle vit que personne ne lui répondait. Normal, avec cette musique si forte. Elle décida de frapper plus fort, mais rien n'y fit. Elle ne pouvait pas rester comme ça et laisser cet idiot faire comme bon lui semblait. Elle ouvrit la porte doucement, tout de même gênée, et découvrit un taudis, et au milieu de ce taudis, un jeune homme. Il était pas mal, mais ce n'était pas ce que remarquait Eva du premier coup d'oeil. Elle s'approcha de lui, évitant les chaussettes et les t-shirts. Le jeune homme n'avait pas fait attention à l'intruse. Elle poussa un peu son épaule avec sa main, pour lui signaler sa présence, accompagné d'un petit « Eh... oh ! » d'une voix douce, mais ferme.