* Quelle galère… *
Faro marchait depuis maintenant trois heures… Trois terribles heures durant lesquelles la chaleur et le soleil se disputaient le privilège de le tuer…
Lui qui aimait tant l'ombre et la fraicheur marchait depuis cent quatre-vingt minutes sous un soleil de plomb et une chaleur desséchante. Lui qui adorait les vestes avait jeté la sienne au bord du sentier. Lui qui ne jurait que par le noir désespérait de trouver ne serais-ce qu'une tache d'ombre…
On peut aisément deviner que le voyage n'enchantait pas Faro, et il durait depuis trois heures… Trois heures pendant lesquelles Faro ne cessa de marcher, suant sang et eau pour avancer de quelques nouveaux kilomètres. Le garçon était, vous vous en doutez, devenu terriblement irritable, et il en était de même pour son esprit; ainsi un silence de marbre régnait sur le chemin de terre qu'empruntait ceux-ci. L'élémentaliste ne fit aucune rencontre, bonne ou mauvaise.
Le silence n'était troublé que par les pas de Faro qui regrettait amèrement de n'avoir que des vêtements noirs… son T-shirt était trempé de sueur et s'il ne l'enlevait pas, c'était uniquement par crainte de croiser qui que ce fut. Malheureusement, avec ou sans T-shirt, Faro avait bien peu fière allure… Les bras pendant le long du corps, le dos courbé, ses cheveux dégoulinant lui tombaient sur le visage et il se demandait s'il aurait un jour la force de dégager ses iris de la barrière sombre qui les protégeaient du soleil…
L'avancée de Faro était lente et laborieuse, ses pas résonnaient dans son crâne et le lui faisait résonner comme si on le lui frappait à l'aide de trois ou quatre masses d'arme… Ce qui, vous le comprendrez, n'encourageait pas beaucoup à progresser…
Cependant l'envie d'arriver enfin à Syracuse était la plus forte; même si chaque pas lui arrachait à présent une grimace de douleur, le garçon continuait, une froide détermination dans le regard (et ce malgré qu'il fut masqué par un rideau de cheveux…).
Au moment où Faro se demandait si sa langue retrouverai un jour une consistance autre que celle d'un galet poussiéreux, une grande masse de bâtiments en tout genre apparut au détour d'une colline…
Les “forces” décuplés par cette vision, l'élémentaliste accéléra sa marche dans l'espoir bien mérité après une marche qu'on pourrait aisément qualifier d'“éreintante”, d'une détente…
L'esprit qui l'accompagnait fit entendre un cri de joie et Faro sourit. Ce qu'il regretta immédiatement dans la mesure où ces lèvres étaient tellement gercées que ce simple mouvement les fit saigner abondamment…
L'élémentaliste parvint à lever un bras pour s'essuyer le menton et continua sa marche.
Son dos se courbait un peu plus à chaque pas et sa détermination partait en fumée… Parviendrait-il seulement un jour à atteindre cette fichue ville qui semblait s'éloigner à chaque pas qu'il faisait ? Seul Mesa parvenait à le faire marchait encore.
Il ponctuait chaque faiblesse d'un cri perçant, son agacement accru car sa place favorite, sur l'épaule de Faro, était inenvisageable car le dos du jeune homme était trop bas pour permettre une quelconque préhension…
Ainsi il continuait, les yeux dans le vague, marchant à ce moment plus par réflexe que par réelle décision. Chacun de ses pas soulevait un nuage de terre qui s'accrochait à son pantalon noyé de sueur et réveillait le réveil qui carillonnait dans son cerveau…
Au bout d'un temps infini, Faro arriva enfin dans un terrain vague, au terme d'une descente en pente douce. Esquivant quelques ordures qui se trouvaient là, le jeune homme continua pourtant sa route vers le cœur de la cité…
Il avait l'impression d'être l'incarnation même de la fatigue. Ses jambes tremblaient sous le seul effort de rester debout…
Plus maintenant…
Faro s'était abattu comme une masse sur un talus, ses vêtement s'imbibant de la terre sèche qui composait le surélèvement…
Les formes se flouèrent, ses sens lui apparurent éloignés; ce corps ne lui appartenait plus… Le jeune homme sombra dans l'inconscience, un faucon noir tournant autour ne lui…